Symptômes extrapyramidaux sous métoclopramide
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Symptômes extrapyramidaux sous métoclopramide

Aktuell
Édition
2018/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2018.03204
Forum Med Suisse 2018;18(10):220-221

Affiliations
Regionales Pharmacovigilance-Zentrum Zürich, Klinik für Klinische Pharmakologie & Toxikologie, UniversitätsSpital Zürich und Universität Zürich
* Les deux auteurs ont contribué à part égale à la réalisation de cet article.

Publié le 07.03.2018

Suites de l’EMI: Limitation transitoire sévère
Evolution: Rétablissement sans séquelles
Relation de causalité: Probable

Le cas clinique

Le petit garçon de 8 ans a reçu 15 gouttes de métoclopramide (Paspertin®) en raison de douleurs abdominales accompagnées de nausées. Après quelques heures, l’état psychique du patient semblait avoir changé, sa tête était la plupart du temps pendante, et parfois en hyperextension. Ses mains étaient en flexion palmaire maximale; les doigts formaient un poing. De plus, le petit garçon traversait des phases de cris répétées. Au demeurant, il était bien orienté et avait un score de Glasgow de 15 points. Un traitement anticholinergique oral par 2 mg de bipéridène (Akineton®) a été initié, et les dyskinésies se sont ensuite normalisées très rapidement.
En outre, le patient souffre de trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) et reçoit comme autre médicament du méthylphénidate chlor­hydrate (Medikinet®) en tant que traitement au long terme. Le jour de la survenue des symptômes décrits, Medikinet® n’avait pas été administré. Aucune allergie n’était connue.

Evaluation de pharmacologie clinique

Paspertin® contient le principe actif métoclopramide, qui exerce des effets cholinergiques périphériques sur le tractus gastro-intestinal et possède des propriétés antagonistes de la dopamine au niveau de la zone gâchette des chimiorécepteurs du centre du vomissement, et agit donc comme antiémétique. Le tableau 1 donne un aperçu de l’administration orale de métoclopramide chez les enfants et les adolescents.
Tableau 1: Aperçu des formulations orales de métoclopramide chez les enfants et ­les adolescents [1, 3, 4].
Préparations en Suisse Paspertin®
Primperan®
Quantité de principe actif ­ des préparationsPrimperan®- solution buvable: 1 mg/ml
Paspertin®- gouttes: 4 mg/ml
Comprimés (pour les deux préparations): 10 mg
Conseils d’utilisationContre-indiqué chez les nouveau-nés et les enfants de moins d’1 an en raison de l’élimination réduite [2]
Les comprimés pelliculés et gouttes de Paspertin® ne sont pas adaptés pour les enfants et les adolescents en raison de leur fort dosage.
IndicationsPaspertin®-comprimés pelliculés, gouttes: aucune
Primperan®: prophylaxie contre la nausée et les ­vomissements après une chimiothérapie
Dose recommandée de ­Primperan®Au maximum 3 × 0,1 à 0,15 mg/kg de poids corporel (PC) par jour
Dose journalière maximale ­de Primperan®Au maximum 0,5 mg/kg PC par jour
Intervalle entre les prisesAu moins 6 heures d’intervalle
Durée du traitementAu maximum 5 jours
MétabolismeCYP2D6
AntidotesPas d’antidote spécifique
Traitement symptomatique: anticholinergiques, ­antihistaminiques, benzodiazépines
Antidote bipéridène en cas ­de syndrome dyskinétiqueAkineton®/-retard (solution injectable, comprimés)
Dose d’injection initiale en cas de troubles ­extrapyra-midaux induits par médicaments:
– enfants jusqu’à 1 an: 1 mg
– enfants jusqu’à 6 ans: 2 mg
– enfant jusqu’à 10 ans: 3 mg
(Si besoin, répétition de la même dose après 30 minutes)
Injection intramusculaire ou intraveineuse lente
Comprimés: enfants à partir de 3 ans: 1–3 × 1–2 mg ­par jour
Il existe des différences strictes pour le dosage et l’utilisation, selon la forme d’administration (orale vs parentérale) et la quantité du principe actif métoclopramide dans les différentes préparations: sous forme de gouttes, on compte 4 mg de principe actif par millilitre de Paspertin®, ce qui correspond à environ 12 gouttes. Dans le cas présent, l’enfant a donc reçu environ 5 mg de métoclopramide. En raison de leur fort dosage, les comprimés pelliculés et les gouttes de Paspertin® ne sont pas adaptés aux enfants et aux adolescents [1]. En 2013, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a entre autres prononcé la révocation de l’autorisation des gouttes de métoclopramide avec une concentration >1 mg/ml, se fondant sur une réévaluation du rapport bénéfices-risques relatif aux effets médicamenteux indésirables (EMI) neurologiques mais également cardiovasculaires graves [2]. En revanche, selon l’information suisse sur le médicament de Paspertin®, les administrations par voie intraveineuse sont recommandées chez les adolescents et enfants à partir d’1 an, seulement avec une indication limitée, à une dose de 0,1 à 0,15 mg/kg de poids corporel (PC) jusqu’à 3 fois par jour. La dose maximale par 24 heures s’élève alors à 0,5 mg/kg de PC [1]. Contrairement à Paspertin®, les formes orales de Primperan® sont également autorisées chez les enfants et les adolescents (1 à 18 ans) pour certaines indications de deuxième ligne, en raison du plus faible dosage de 1 mg/ml (tab. 1) [3]. Chez les adultes, la dose recommandée de métoclopramide est de 3 × 10 mg par jour. En règle générale, le traitement doit être limité à une durée comprise entre 48 heures et 5 jours au maximum selon l’indication et l’âge. En outre, un intervalle d’au moins 6 heures doit être respecté entre les prises [1,3].
Selon l’information suisse sur le médicament, les troubles extrapyramidaux, tels que la dystonie aiguë, les dyskinésies aiguës et tardives, le parkinsonisme et l’akathisie, comptent parmi les EMI survenant fréquemment (<1/10, ≥1/100) sous métoclopramide [1]. Les troubles extrapyramidaux peuvent se manifester sous forme de torticolis, spasmes du visage, opisthotonos, bradykinésie, crise oculogyre, dysphagie, rétention urinaire ou réactions tétaniformes [5]. Occasionnellement (<1/100, ≥1/1000), des hallucinations, une anxiété et une agitation surviennent, et rarement (<1/1000, ≥1/10 000), des états confusionnels [1]. Ils sont engendrés par un blocage des récepteurs de la dopamine dans la région nigro-striée [6]. Des troubles extrapyramidaux peuvent survenir même après une seule administration et ils apparaissent le plus souvent au cours des premières 24 heures suivant l’administration [1, 7]. Les femmes sont plus fréquemment touchées que les hommes, et les enfants plus souvent que les adultes [8]. Comme le principe actif est dégradé par l’enzyme génétiquement polymorphe CYP2D6, les troubles extrapyramidaux sont plus fréquemment observés chez les patients considérés comme métaboliseurs lents en lien avec le polymorphisme du CYP2D6. Au sein de la population caucasienne, 5–10% des personnes sont concernées [7]. En outre, le risque de troubles extrapyramidaux augmente en cas d’administration de doses élevées et de durées de traitement longues. Si des troubles extrapyramidaux surviennent, le métoclopramide doit être arrêté immédiatement. Un traitement symptomatique peut éventuellement être requis. Un traitement par benzodiazépines et/ou substances anticholinergiques est alors recommandé [1, 3].
Les symptômes survenus sont également décrits dans l’information sur le médicament du traitement concomitant Medikinet® (un psychotrope). Sous ce médicament, des dyskinésies ainsi qu’un comportement anormal, une agressivité, une agitation, une anxiété, une dépression et une irritabilité peuvent survenir fréquemment (<1/10, ≥1/100). Un syndrome de Gilles de la Tourette est également décrit [9].
L’information sur le médicament de Paspertin® met en garde quant à l’utilisation concomitante de neuroleptiques ou d’autres médicaments ayant des effets extrapyramidaux en raison du risque accru de troubles extrapyramidaux [1]. De nombreux antidépresseurs et neuroleptiques sont également métabolisés via le CYP2D6, ce qui, en termes de pharmacocinétique, pourrait conduire à une augmentation de la concentration en cas d’administration concomitante avec le métoclopramide [1, 7]. La prudence est également de mise en cas d’administration concomitante d’inhibiteurs du CYP2D6, tels que la fluoxétine ou le bupropion, en raison de l’exposition accrue au métoclopramide [1]. Dans l’information professionnelle de Medikinet®, il est signalé que, s’agissant d’un inhibiteur de la recapture de la dopamine, une interaction antagoniste sur le plan pharmacodynamique peut survenir en cas d’administration concomitante d’antagonistes de la dopamine [9]. En raison des mécanismes d’action opposés, la prise simultanée de Medikinet® et d’agonistes de la dopamine n’est pas conseillée. Une association au sens d’une interaction pharmacodynamique du méthylphénidate et de la métoclopramide au niveau des récepteurs n’est donc pas exclue dans le cas présent.
Dans notre cas, il existe une relation temporelle entre l’administration de Paspertin® et la survenue des symptômes. La régression des symptômes après intervention médicamenteuse avec l’antidote Akineton® peut être jugée comme un déchallenge positif.
Au regard de l’étroite relation temporelle et d’une relation pharmacodynamique plausible, de la bonne documentation issue de l’information sur le médicament et de la littérature spécialisée, ainsi que de l’absence d’indices évocateurs d’autres causes non médicamenteuses, la causalité entre la survenue des symptômes extrapyramidaux accompagnée d’une modification de l’état psychique et l’administration de Paspertin® a formellement été évaluée comme probable selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Conseil des organisations internationales des sciences médicales (CIOMS).
Nous remercions Mme Nicole Rothen, médecin en médecine interne générale à La Chaux-de-Fonds, pour sa révision de la traduction française.
Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou ­personnelles en rapport avec l’article soumis.
Correspondance
PD Dr méd. Stefan Weiler, PhD, MHBA
Klinik für Klinische ­Pharmkologie und ­Toxikologie
UniversitätsSpital Zürich
CH-8091 Zürich
stefan.weiler[at]usz.ch
1 Information suisse sur le médicament de Paspertin®
(www.swissmedicinfo.ch, état décembre 2017).
2 EMA: Assessment report – Metoclopramide only containing medicinal products, état décembre 2013: http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/medicines/human/referrals/Metoclopramide-containing_medicines/human_referral_000349.jsp&mid=WC0b01ac05805c516f (accès le 15.12.2017).
3 Information suisse sur le médicament de Primperan®
(www.swissmedicinfo.ch, état décembre 2017).
4 Information suisse sur le médicament de Akineton®/-retard ­
(www.swissmedicinfo.ch, état décembre 2017).
5 Hollander H, Golden J, Mendelson T, et al. Extrapyramidal symptoms in AIDS patients given low-dose metoclopamide or chlorpromazine. Lancet 1985;2:1186.
6 Mutschler E, et al. Mutschler Arzneimittelwirkungen Lehrbuch der Pharmakologie, der klinischen Pharmakologie und Toxikologie. 10. Auflage. Stuttgart: Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft;2013.
7 van der Padt A, van Schaik RH, Sonneveld P. Acute dystonic reaction to metoclopramide in patients carrying homozygous cytochrome P450 2D6 genetic polymorphisms. Neth J Med. 2006;64(5):160–2.
8 Kris MG, Tyson LB, Gralla RJ, et al. Extrapyramidal reactions with high-dose metoclopramide (letter). N Engl J Med. 1983;309:433–4.
9 Information suisse sur le médicament de Medikinet®
(www.swissmedicinfo.ch, état décembre 2017)