Oncologie médicale: Immunothérapie: désormais également pour les tumeurs de la tête et du cou
Oncologie médicale

Oncologie médicale: Immunothérapie: désormais également pour les tumeurs de la tête et du cou

Schlaglichter
Édition
2017/5152
DOI:
https://doi.org/10.4414/fms.2017.03162
Forum Med Suisse 2017;17(5152):1156-1158

Affiliations
Zentrum für Hämatologie und Onkologie, Klinik für Onkologie, UniversitätsSpital, Zürich

Publié le 20.12.2017

Les tumeurs de la tête et du cou récidivantes et métastatiques («recurrent/metastatic head and neck squamous cell carcinoma», r/m HNSCC) ont un mauvais pronostic. Malgré un avantage de survie avéré après traitement multimodal initial, de nombreux patients développent une récidive en peu de temps. Désormais, l’immunothérapie est également disponible dans cette situation.

Contexte

Sur le plan histologique, les tumeurs de la tête et du cou sont en règle générale des carcinomes épidermoïdes («head and neck squamous cell carcinoma» [HNSCC]). Ces derniers représentent plus de 90% de toutes les affections malignes de cette région. Les facteurs de risque traditionnels sont la consommation excessive d’alcool et de nicotine. La maladie peut affecter n’importe quelle région du tractus aérodigestif. Le patient typique est un homme d’âge avancé. Depuis quelques années, on observe un nombre croissant de patients plus jeunes, chez qui ces facteurs de risque traditionnels ne sont pas présents, ou seulement dans une moindre mesure. Chez ces patients, on constate la présence d’une maladie causée par des papillomavirus humains (HPV), c.-à-d. une maladie sexuellement transmissible, qui se développe presque exclusivement dans l’oropharynx. La proportion des carcinomes de l’oropharynx dus à une infection à HPV varie en fonction de la région géographique, s’élève actuellement à env. 30% et a tendance à augmenter. Les carcinomes associés aux HPV ont un pronostic significativement meilleur que les carcinomes non associés aux HPV.

Traitement des tumeurs de la tête et du cou

Stades précoces

Les stades précoces sont traités par une unique modalité thérapeutique, en règle générale la chirurgie. S’il est estimé qu’une opération serait associée à une détérioration ou une perte fonctionnelle de l’organe (par ex. en cas de carcinome du larynx), alors la radiothérapie est également employée aux stades précoces en tant que seule modalité de traitement.

Stades localement avancés

Aux stades localement avancés, le traitement est toujours multimodal. Pour les tumeurs résécables, la chirurgie doit être suivie d’une radiothérapie ou d’une radio-chimiothérapie adjuvante.
Si une résection R0 est impossible ou associée à une morbidité élevée ou à la perte fonctionnelle de l’organe, une radio-chimiothérapie adjuvante de première ligne est le traitement de choix. Dans cette situation, le cisplatine constitue la chimiothérapie standard; chez les patients présentant une contre-indication au cisplatine, l’anticorps monoclonal anti-EGFR cétuximab est le traitement de choix.

Tumeurs de la tête et du cou récidivantes 
et métastatiques (r/m HNSCC)

Chez env. 30% des patients atteints de carcinome épidermoïde localement avancé de la tête et du cou, des récidives locales ou des métastases à distance se dé­veloppent malgré un traitement multimodal intensif, ce qui conduit la plupart du temps à une situation palliative. Un traitement systémique visant au contrôle de la maladie, au soulagement des douleurs et à la prolongation de la survie est alors mis en place.

Chimiothérapie

L’étude EXTREME, publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) il y a 10 ans, a établi l’association de l’anticorps monoclonal cétuximab au platine et au 5-fluorouracile en tant que traitement standard [1].
Il n’existait jusqu’alors aucun standard pour la prise en charge après progression suite à un traitement de première ligne à base de platine. Les substances les plus fréquemment utilisées étaient les taxanes, le méthorexate, la vinorelbine et le cétumixab. Plusieurs études portant sur de nouvelles substances, telles que les inhibiteurs de tyrosine kinase ou d’autres anticorps monoclonaux, ont montré une efficacité au mieux modérée, parfois accompagnée d’une toxicité importante.

Immunothérapie

A l’instar de plusieurs autres tumeurs telles que le ­mélanome, le carcinome à cellules rénales ou le carcinome bronchique, des données sur l’efficacité de l’immunothérapie sont désormais également disponibles pour les tumeurs de la tête et du cou. Les études sur les HNSCC présentées ou publiées jusqu’à ce jour ont analysé l’efficacité des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires en situation palliative.
Les premières données provenaient de l’étude Keynote-012. Dans cette étude de phase 1b, un taux de réponse de 18% a été observé dans la cohorte de patients avec tumeurs de la tête et du cou. A la suite de ces résultats, le pembrolizumab a bénéficié d’une autorisation accélérée aux Etats-Unis. En Suisse, le pembrolizumab n’est pas autorisé pour le traitement du HNSCC.
Les données de Checkmate 141, une étude randomisée de phase III ayant évalué le nivolumab chez des patients atteints de HNSCC réfractaire au platine, sont disponibles depuis 2016 [2]. Cette étude qui avait alors été publiée dans le NEJM avait inclus 361 patients avec r/m HNSCC et progression après une chimiothérapie de première ligne à base de cisplatine. Les patients ayant présenté une progression dans les 6 mois après une radio-chimiothérapie de première ligne à base de cisplatine à visée curative pouvaient également être inclus. Il s’agissait ainsi d’une population intensivement prétraitée; une grande partie des patients (34,6%) avaient déjà reçu un traitement de deuxième ligne, une autre partie d’entre eux (19,9%) avaient même déjà reçu un traitement de troisième ligne.
Les patients ont été randomisés pour recevoir soit du nivolumab (3 mg/ kg toutes les 2 semaines), soit une chimiothérapie. Les investigateurs pouvaient choisir une des trois monothérapies hebdomadaires fréquemment employées dans cette situation – le docétaxel, le méthotrexate et le cétuximab. Le critère d’évaluation primaire était la survie globale.
Les résultats de l’étude ont montré la supériorité de l’immunothérapie par rapport à la chimiothérapie.
La survie médiane de 7,5 mois observée dans le bras nivolumab était plus élevée que celle observée dans le bras contrôle, à savoir 5,1 mois, ce qui constitue une différence statistiquement significative, avec un rapport de risque (RR) de 0,70 (IC: 0,51–0,96) et une valeur-p <0,01. La survie globale à 1 an était plus de deux fois supérieure dans le bras nivolumab par rapport au bras traité par chimiothérapie (fig. 1).
Figure 1: Kaplan–Meier curves for overall survival among all the patients who underwent randomization and were assigned to receive either nivolumab or standard therapy. (From: Ferris RL, Blumenschein G Jr, Fayette J, Guigay J, Colevas AD, Licitra L, et al. Nivolumab for recurrent squamous-cell carcinoma of the head an neck. N Engl. J Med. 2016;375:1856–67. © 2016 Massachusetts Medical Society. Reprinted with permission. 
 http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1602252 .)
Les patients avec une expression de PD-L1 ≥1% sont ceux à qui le traitement par nivolumab a le plus profité. Dans ce groupe, la survie médiane était de 8,7 mois, contre 4,6 mois (RR 0,55, [IC à 95%: 0,36–0,83]) chez les patients sous chimiothérapie.
Concernant le statut HPV, il a pu être montré que l’immunothérapie était profitable aussi bien pour les patients avec une tumeur associée au HPV que pour ceux avec tumeur non associée au HPV; le bénéfice était néanmoins supérieur chez les patients avec tumeur HPV-positive.
Les patients atteints de r/m HNSCC ont une qualité de vie particulièrement diminuée en raison des difficultés à parler, déglutir et respirer et ils sont souvent stigmatisés en raison de leur apparence altérée. Les résultats de cette étude sont particulièrement significatifs en ce qui concerne la qualité de vie. Dans tous les domaines examinés, une stabilisation ou une amélioration des paramètres analysés a été constatée sous traitement par nivolumab, alors qu’une détérioration a été observée dans le bras contrôle.

Discussion

Cette étude est particulièrement significative, et pas seulement en raison de l’amélioration de la survie globale qui a pu être observée pour la première fois chez des patients résistants au platine. Les données obtenues à partir des questionnaires EORTC QLQ-C30 et QLQ-HN&35 ont permis de montrer que ces patients souffrant de leur apparence altérée et de leurs symptômes, ont connu, dans le groupe nivolumab, une amélioration de la qualité de vie et une stabilisation dans tous les domaines examinés. A la suite des résultats de l’étude Checkmate-141, le nivolumab a été autorisé pour le traitement des r/m HNSCC résistants au platine aux Etats-Unis, en Europe, et en Suisse.
Dr méd. Tamara Rordorf
Klinik für Onkologie
UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
CH-8091 Zürich
tamara.rordorf[at]usz.ch
1 Vermorken JB, Mesia R, Rivera F, et al. Platinum-based chemo­therapy plus cetuximab in head and neck cancer. N Engl J Med. 2008;359:1116–27.
2 Ferris RL, Blumenschein G Jr., Fayette J, et al. Nivolumab for recurrent squamous-cell carcinoma of the head and neck. N Engl J Med. 2016;375:1856–67.